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25 juin 2009 4 25 /06 /juin /2009 18:35
La réflexion de Enoch Djondang, dans votre dernière parution est comme la question infligée aux tribus du Tchad indépendant, en particulier à ses représentants – toutes catégories confondues surtout leurs élites. Comme tout débat profond et fécond, il faut bien se comprendre sur les mots. Par question, il faut entendre le sens de « torture infligée aux accusés ou aux condamnés pour leur arracher des aveux ». Deux tribus – Gorane et Zaghawa- ont été nommément citées. Aussi revient-il à leurs élites d’esquisser des réponses.

Nous disons élites, ces lettrés et notables qui, par leur participation aux affaires politiques ou de société, parlent et agissent au nom de leurs groupes. Le Tchad indépendant est cet Etat souverain que nous avons hérité de la colonisation française avec tous ses attributs : laïc, républicain, unitaire et francophone.

Que dit donc Djondang ? Sans résumer sa réflexion ou paraphraser ses propos, l’auteur affirme que les tribus du BET ont géré l’Etat depuis 20 ans et qu’à tort ou à raison, les autres ne sont pas satisfaits – pour différentes raisons- de cette gestion. Djondang n’est pas reparti à l’indépendance pour faire son constat. Il n’a pas non plus scruté l’avenir pour en tirer des leçons. Il nous invite seulement à la réflexion. Au premier degré, d’aucuns diraient que les Gorane et les Zaghawa sont indexés et interpellés. D’autres radicaux diront que Djondang a fermé expressément les yeux sur la gestion du pays par les sudistes parce qu’il est sudiste, nous renvoyant à cette problématique saugrenue Nord-Sud. Remettons donc les points sur les i si nous devons véritablement échanger.

L’Etat du Tchad est une réalité de la colonisation française tant par ses frontières, les peuples qui y sont rassemblés, les anciens Etats qui y ont été fondus et les structures d’administration et de gestion. Beaucoup d’amalgames sèment la confusion à ce niveau. Certains tchadiens assimilent cet Etat au Kanem Bornou, ou au Ouaddaïe etc. ou voudraient en faire, sans le dire, une fédération des Etats anciens. Les plus radicaux voudraient même dire de cet Etat qu’il est islamique, réveillant à l’occasion les relations précoloniales pour faire de certains peuples des nobles et d’autres des esclaves. La langue officielle de l’Etat souverain de 1960 est le français. Voyons les étapes parcourus pour y associer l’arabe. Certains ont prétendu que c’était la langue administrative des anciens Etats. Mais lesquels ? Il y a donc nécessité d’un débat sur l’Etat dans notre Tchad. Il y est question de la construction de notre vivre ensemble.

L’Etat moderne et démocratique a ses propres exigences et caractéristiques. Il ne peut être un sultanat, un royaume ou un Gong. Ses principes fondateurs nous ont été légués à l’indépendance. Pour peu que les Tchadiens respectent la parole donnée et le consensus, les différentes constitutions, que nous avons adoptées et que nous nous sommes engagés à respecter, énoncent clairement les principes cardinaux de notre vivre ensemble. Il a été explicitement dit que notre système politique est une République. Or la république ce n’est pas les pouvoirs personnels, divins et héréditaires. Comme dit un mot d’ordre des révolutionnaires français « la République c’est la fin des rois ». Faisons en sorte qu’il n’y ait plus de rois, de sultans et de Gongs dans notre pays. Nous avons affirmé haut et fort ces principes. Alors il faut les mettre en exécution pour qu’il n’y ait plus de sujets et des princes mais des citoyens, des hommes et des femmes libres et égaux. La devise nationale est « Unité, Travail, Progrès ». Nous nous sommes donc engagés à unir nos terroirs et anciens Etats en territoire national, nos peuples en une nation, nos cultures et traditions afin de réduire nos antagonismes anciens, nos langues pour mieux communiquer, échanger et travailler. Nous avons proclamé, à la face du monde, de n’être qu’un seul homme pour construire notre destin. Cette devise s’adresse à des Tchadiens concrets, porteurs d’une histoire ancrée dans des traditions, des religions, des mœurs et des cultures variées et vivantes.

Quel consensus devons nous obtenir pour que chacun ne se sente pas frustré, humilié par des privilèges trop octroyés à certains et des sacrifices trop demandés à d’autres ? Dans la recherche effrénée de l’argent facile et la satisfaction des intérêts égoïstes, certains tchadiens ont oublié « le travail », le deuxième élément de notre devise. Or c’est le travail qui crée la richesse. Pour que certains puissent voler, ramasser, racketter, il faut bien que d’autres travaillent. Or si ce sont les mêmes qui volent et les mêmes qui travaillent, les derniers deviennent les esclaves des premiers et la richesse ne s’accumulera pas. A moyen et long terme, c’est la destruction du patrimoine national. En nous engageant à travailler, nous avons opté d’être comme les autres peuples, échanger notre production avec eux et être compétitifs dans les produits. Or le travail se mesure par la création effective de la valeur ajoutée sur chaque activité de production. Comment peut-on ne pas se rendre compte que le vol, le racket, la corruption, la prévarication ne créent pas la valeur ajoutée et qu’ils n’impulsent jamais la croissance économique ? Par nos mauvaises pratiques dans la gestion de notre pays, nous avons fait sciemment le choix de la mauvaise gouvernance. Nous apparaissons comme des gens contre le progrès. Exactement tout le contraire du 3ème élément de notre devise. Nous sommes des destructeurs conscients de notre pays, de notre propre avenir.

La république pose comme principes de l’unité nationale la liberté, l’égalité et la solidarité. « Une république une, indivisible, laïque et solidaire ». C’est écrit noir sur blanc dans notre constitution. Combien d’entre nous comprennent ces mots comme un engagement, une parole donnée, un respect absolu d’une décision, d’un choix ? Si donc nous voyons en rétrospective, les décisions de gestion politique des différents régimes que des thuriféraires se sont empressés d’appeler lère, 2ème, 3ème, etc. République que constatons nous ? Pour ne faire le procès de personne mais nous en tenir aux constats, avons-nous progressé ou reculé dans les domaines économique, éducatif, sanitaire, sécuritaire, administratif, judiciaire et social ? Certains, se croyant malins, ont pillé sans vergogne, sans scrupule les ressources de l’Etat pour s’offrir des insolences qui ressemblent à de la folie. Un ancien ministre s’est octroyé un domaine de 30 ha, mettant les barbelés jusqu’aux bords du Chari. Le village d’éleveurs, situé à côté de ce domaine, a dû déménager pour que les animaux aient accès au Chari ! Des châteaux et non des villas surgissent de terre et engloutissent tous les espaces avoisinants. Un de ces propriétaires a même dit que toute la terre du Tchad lui appartenait.

Non ! La limite de l’acceptable est franchie. Nous ne pouvons vivre ensemble dans de telles conditions. C’est notre survie qui est menacée. C’est pourquoi nous avons tous été interpellés par Djondang. Un jour, les lois de la République demanderont des comptes à ces individus destructeurs de notre pays, de notre nation. Ce moment rêvé viendra in Cha Allah ! Mais en attendant, sachons dire non à l’inacceptable. Un pays est certes fait de médecins, des ingénieurs, des enseignants, de simples paysans, de simples débrouillards et de criminels. Mais ne laissons pas faire ceux dont la volonté affichée est de nous empêcher de vivre ensemble et bien. En dehors de tous propos partisans, de tous intérêts égoïstes, c’est bien de la construction de l’Etat et de la République, la mère des tribus, qu’il s’agit. Il y a Gorane et gorane, Zaghawa et zaghawa, tout comme il y a Sara et sara, etc. Mais la coalition des gorane, zaghawa, sara pour détruire l’Etat, la République et la nation, c’est un club de malfrats. Il faut s’en défaire.

Gali Ngothé Gatta

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